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Manuel du peintre. La méthode, les principes, le travail de peinture..

 

 

L’exécution,
principes importants au service de la pratique.

Ce
qui suit pourra peut-être sembler aller de soi aux yeux
du praticien avéré; l’énoncé de
principes que nous appliquons spontanément depuis longtemps
s’impose parfois avec tout l’éclat de l’évidence.
Je pense toutefois que le fait de clarifier intellectuellement
ce qui relève de l’intuitif est un moment bénéfique
et enrichissant dans la pratique de notre art en particulier
et de notre existence en général. Notre être
n’est pas divisé mais unifié, vouloir séparer
les fonctions mentales relève d’une méconnaissance
du fonctionnement de la nature humaine, nous sommes des êtres
rationnels, mais aussi et d’abord émotionnels et intuitifs.
Se réclamer de l’unique rationnalité est une
belle et tragique illusion fort répandue de nos jours.
D’autre part, ramener à l’étage de la conscience
ce qui gigote dans les couches de l’inconscient ajoute toujours
une dose de lucidité et de bonheur à ce que
nous sommes et à ce que nous faisons. En ce qui concerne
la pratique de la peinture, cette mise en ordre structurera
notre méthode propre, accentuera la spécificité
de notre travail et de notre style personnel, ce qui ajoutera
à l’aisance et au bonheur de l’exécution. Parcourons
quelques-uns de ces principes opérationnels.


Fondamental ! Avoir conscience du point sur lequel se porte
notre attention
, aborder une chose à
la fois.
Un tableau s’exécute par étapes successives,
il est indispensable de sérier les moments de la création
et de prendre clairement conscience de l’aspect sur lequel
porte attention et notre travail. Lorsque j’enseignais ou
lors de mes ateliers, à la question ” sur quoi
travailles-tu précisément pour l’instant”,
un long silence dubitatif s’ensuivait. Or il
est possible d’orienter sa recherche et de porter son attention
sur des points fort différents: la composition globale,
l’allure générale d’un élément
plastique ou d’un ensemble, la mise au point d’un détail,
le choix du style, un effet d’ombre et de lumière,
un accord coloré, etc. Vouloir aborder toutes ces questions
à la fois relève de l’impossible, par contre
les aborder les unes après les autres en sachant clairement
ce que l’on cherche devient autrement plus aisé.
Il y a des étapes nécessaires et pourtant souvent
négligées qui ont trait dans un ordre logique,
à l’esquisse ou au gribouillage et d’autres à
la finalisation du projet. Réalisons-les de manière
successive. Exemple en ce qui concerne le personnage, commençons
par griffonner l’attitude globale du corps avant de penser
au visage et à son expression. Pensons à intégrer
cette attitude dans les lignes de la composition. Lorsque
ceci sera satisfaisant, passons à l’étape suivante
qui consistera à donner du style à ce corps
et de l’expression à ce visage. Les détails
du visage, ombres, rides, coiffure… feront encore l’objet
d’une étape ultérieure.
Un peintre qui travaille en une seule séance, “alla
prima” raccourcira évidemment le temps qui sépare
ces différentes étapes, mais il devra nécessairement
passer par chacune, soit par croquis préalables, soit
directement sur sa toile.
Concrètement, lorsque nous peignons, surtout si nous
ne bénéficions pas d’un rare tempérament
de coloriste, travaillons avec quelques couleurs et valeurs
(clair – sombre ) de base, structurons notre composition,
dessinons les masses et les traits principaux, sans nous soucier
des harmonies colorées ni des petits détails.
Tout cela viendra par la suite, lorsque nous serons débarrassés
de ces problèmes qui concernent le global.

A supposer que le travail soit finalisé, il sera encore
possible ou utile de revoir chaque détail et de l’ajuster
à l’ensemble, donc pas de précipitation!


Structurer les formes, les volumes…

Dans une peinture figurative prenant en compte les effets
d’ombres et de lumière, il est essentiel de distribuer
celles-ci de façon synthétique, c’est-à-dire
de regrouper les masses sombres et les masses claires. On
détaillera et on nuancera chacune dans la suite. La
structure d’une forme lui apporte solidité et lisibilité.
L’erreur de beaucoup d’amateurs est de semer ombres et lumières
un peu n’importe où, sans intention précise
quant à leur distribution.
Pour structurer clairement une forme, une astuce consiste
à la traîter en deux valeurs, une plus claire
et l’autre plus foncée, nettement ou légèrement contrastées, soit par aplats soit par volumes
estompés. Structurer, d’une manière générale
signifie aussi simplifier, synthétiser, dans un premier temps, négliger
les détails pour ne retenir que l’essentiel. Ceux-ci
viendront dans la suite se greffer et s’intégrer dans
des masses réparties globalement.

Les
exemples ci-dessous montrent l’évolution de mon “luthier”
à travers le même détail.

 


Lors de la première étape, je n’ai utilisé
que deux couleurs, l’ocre brune et le blanc de titane. Appliquant
le principe énoncé ci-dessus, je me suis essentiellement
préoccupé du dessin et de sa restitution en volume.
Dans la deuxième étape, j’ai commencé à
m’intéresser à la couleur, soulignant les valeurs
claires avec un ton jaunâtre et les ombres avec des tonalités
terre d’ombre brûlée et vermillon.
Lors de la troisième étape, les couleurs se précisent,
les contrastes s’accentuent et bien sûr, des détails
apparaissent.

La
question de la couleur de la chair sera développée
ultérieurement.


Du global au détail.

Le principe est logique mais sans être absolu. Il est
en effet logique d’aborder sa composition en peignant d’abord
les surfaces les plus grandes, de peindre ensuite
les formes, les valeurs… de masses plus réduites; ainsi, de réduction en réduction de surface, de
terminer par les petits détails; ceux-ci comme expliqué
plus haut, pourront être
revus jusqu’à la fin du travail et adaptés pour occuper leur juste place avec une juste mesure.

Le
détail ci-contre montre comment dans ma “tour
de Babel” les masses du dessous ont été
très globalement brossées avant d’être
détaillées tandis que celles du dessus ont déjà
reçu des détails qui leur donnent un aspect
plus figuratif et plus crédible.

Le
but de cette méthode est de mettre en place dès
le départ des couleurs, valeurs et formes générales
qui permettront de visualiser globalement la composition et
le climat qui seront ceux du tableaux. A ce stade, il est
généralement impossible de visualiser avec précision
ce que sera le résultat final. Des surprises attendent
encore le peintre et c’est tant mieux pour son enthousiasme.
Le tableau se construira donc étape par étape,
les choix s’imposeront de manière de plus en plus précise.

Dans
cette progression allant du global au détail, il sera
nécessaire de marquer des temps d’arrêt, de regarder
le temps nécessaire le travail déjà accompli
et, dans cette “contemplation” de ressentir les
zones qui appellent davantage notre envie de poursuivre.

On
peut aussi entamer un travail directement par les détails,
en les ajoutant au fur et à mesure jusqu’à remplir
la surface de composition. Certains aristes travaillent de
cette manière. Mais cette méthode est plus hasardeuse,
je la déconseille fortement au débutant qui
procède souvent de la sorte parce qu’il manque de confiance
en son pouvoir d’imagination et se sent incapable de penser
globalement, facultés pourtant nécessaires à
la bonne conduite d’un travail créatif et plastique.
Toutefois, le peintre qui est convaincu que cette façon de travailler lui correspond vraiment, qu’il ne peaufine pas trop tôt des détails qui risquent de devoir être revus dans la suite.

 

Il
va de soi que le principe “du global au détail”
est applicable à tous les sujets, aussi est-il fondamental
pour le peintre de distinguer clairement dans son esprit les
étapes qui lui seront nécessaires de franchir pour atteindre
le résultat adapté à ses intentions: une, deux, trois… étapes,
selon le besoin de finition requis par son style. Les documents
ci-dessous illustrent une méthode pour peindre un vieux
mur de manière réaliste, sans aller trop loin
dans le petit détail, ce qui exigerait une étape
supplémentaire.

 

 

Notes:

Etape 1. A
gauche, la reproduction révèle les couches de
fond traitées par aplats et sur lesquelles seront peints
les détails. Elles sont elles-mêmes déjà
nuancées dans les valeurs et les couleurs, afin de
créer des variations qui animeront la couleur de cette
surface. Car une surface uniforme ressemble plus à
de la peinture en bâtiment qu’à une facture artistique.

Etape 2. Au
centre. Quelques touches de couleurs légèrement
plus claires ou plus sombres que les fonds ont été
rapidement ajoutées dans le sens horizontal pour évoquer
les pierres d’un vieux mur. Ces touches présentent
des différences légères de valeurs et
de couleurs, pour éviter un aspect trop uniforme et
artificiel.

Etape 3. A
droite, des touches plus foncées ont été
apposées pour accentuer les espaces entre les pierres
et leur donner du relief. D’autres accents plus clairs soulignent
çà et là quelques détails pour
accentuer la diversité des couleurs et des valeurs.

Remarque:
ces trois étapes peuvent être réalisées
alors que la couleur n’est pas totalement sèche, c’est-à-dire dans le mi-frais. Ceci
permet aux différentes taches de se fondre plus facilement
les unes dans les autres; une tache trop dessinée et
trop contrastée sortirait du “fond” si elle
est trop claire, elle formerait une trouée si elle est
trop foncée. Un passage léger de pinceau sec
et doux permet d’estomper les séparations trop nettement
marquées.

 

Les
quatre reproductions ci-dessous nous montrent la méthode
utilisée par Christian Lepère pour son tableau “formes
“épanouies”.

L’étape
1 est celle du dessin, il est exécuté directement
au pinceau sur la toile, ce qui demande une certaine maîtrise;
quelques lavis légers commencent à situer certaines
masses destinées à être assombries.

L’étape
2 concerne la distribution des valeurs principales responsables
du climat lumineux qui va se dégager de l’ensemble,
la couleur peut alors commencer à faire son apparition.

La troisième étape est celle du choix des couleurs
qui seront à la base des
harmonies, harmonies par variations dans les rouges-orangés-jaunes et par oppositions entre
les tons chauds et les tons froids
.
En 4, le tableau est terminé,
peaufiné dans les détails du dessin, dans la
subtilité des nuances colorées et des valeurs
dont la distibution savamment dosée crée cette
lumière particulière
.
Noter que ce tableau est très coloré alors qu’il
y a peu de zones où les couleurs sont vives. C’est
précisément le fait de ne faire émerger
que quelques ton saturés sur d’autres tonalités
beaucoup plus discrètes qui donne cette impression
d’intensité aux couleurs plus vives, ce qu’on appelle parfois
les couleurs joyaux.


Travailler sur quelque chose plutôt que sur rien.
Peindre
sur une toile blanche, c’est construire sur du vide. Si une surface
contient déjà de la couleur ou une matière
neutre et discrète (exemples), nous aurons plus de facilité à
y projeter des formes ou une composition, à entrevoir le
chemin à suivre dans notre travail. Notre imagination s’exercera
sur du concret, nous pourrons sélectionner, renforcer certaines
formes et en éliminer d’autres, retenir ce qui nous convient
et supprimer ce qui nous gêne.


Certains peintres travaillent sur un fond d’ “imprimature”
ou “d’imprimeure”, fond coloré à l’huile
ou à l’acrylique, généralement peint en ocre
rouge, parfois en gris neutre voire en gesso noir. Ce procédé
a pour avantage de permettre aux blancs ou aux tonalités
claires de révéler d’emblée leurs lumières,
ce qui ne serait pas le cas sur un fond blanc.
Si ce fond est réalisé à l’crylique, vu le séchage rapide de ce produit, le travail de peinture pourra être entamé plus rapidement.

Autre formule, le document ci-dessous présente un fond d’imprimature réalisé de la manière suivante. Après la pose de cinq couches de gesso, la sixième couche a été parsemée avant séchage d’une poudre de pigments sépia et terre de Sienne brûlée. En passant le pinceau, la poudre a été incorporée dans la couche de gesso. Il semble qu’un procédé semblable ait été régulièrement utilisé par Rubens et autres artistes du XVIIe ou du XVIIIe siècle.

 

 


Aller vers ce que l’on “sent” le mieux.
Il
arrive souvent que notre imagination et notre sensibilité
restent bloquées sur l’un ou l’autre élément
de la composition, que nous ne voyions plus ce que nous avons à
faire ou comment le faire. Il est alors inutile de s’acharner ou
de se décourager. La meilleure attitude consiste à
délaisser provisoirement la zone qui pose problème
pour bien regarder l’ensemble et se laisser attirer vers un autre
élément, celui que l’on “sent” davantage.
Généralement, la peinture de cet élément
donnera des idées pour le reste du travail et orientera progressivement
l’allure que devra prendre celui qui a posé problème.
Pour rappel, il est fondamental an art de cultiver son ressenti,
de lui faire confiance, de se laisser guider à chaque instant
et en toute chose par une “nécessité intérieure”,
en dehors de toute autre considération, fût-ce la réprobation
du conjoint…


Un tableau n’est pas fini tant qu’il n’est pas terminé…
Et réciproquement.
Cette
lapalissade signifie simplement que tant que tous les éléments
plastiques ne sont pas en place, il est difficile de juger du dosage
exact à donner à chacun. Aussi est-il inutile de préciser
de manière définitive une couleur, de doser une valeur…
tant que nous n’avons pas une vision globale de la composition .
Jusqu’à la fin, chaque élément doit rester
susceptible d’être revu pour occuper sa juste place dans l’ensemble, avec sa juste mesure.
La variation légère d’une saturation ou d’une tonalité
peut changer tout le climat coloré, le tonifier ou le ternir…
Aussi, pendant le travail, gardons à l’esprit que tout peut
encore être modifié et précisé, ne fût-ce
que très légèrement, pour atteindre un équilibre
idéal et ne nous empressons pas à finir prématurément
ce qui devra sans doute être adapté avec justesse dans
la suite, au contraire, laissons en suspens tout ce qui est incertain
dans l’état présent du travail.


La création se fait pendant toute la durée du travail.
Peindre,
c’est créer. Mieux, c’est SE créer. Même si
nous avons établi notre projet avec beaucoup de précision,
des inattendus surgiront tout au long de notre travail. Ces inattendus
déroutent le peintre insécurisé ou il ne les
remarque pas, tout obnubilé qu’il est par le résultat
à atteindre, par contre ils stimulent le créatif qui
par essence est ouvert et audacieux. Les premiers sont enfermés
dans un projet qu’ils ont “imprimé” dans la tête, les seconds sont curieux
de toutes les potentialités de développement, de ce qui présente sur la toile, parfois “par hasard”, attitude qui demande une confiance
dans nos ressources à trouver des solutions nouvelles. Les
premiers émettent des intentions, les seconds reçoivent
les propositions offertes par chaque coup de pinceau. Les premiers
contrôlent, les seconds lâchent prise.
Ce qui enthousiasme le peintre créateur, c’est le fait qu’il
est à la fois acteur et spectateur, il crée en même
temps qu’il découvre. Le geste qui suit prend en compte ce
qui vient d’apparaître et engendre de nouvelles propositions,
en une ronde incessante allant du premier à l’ultime coup
de pinceau.

L’acte de peindre requiert un équilibre permanent entre contrôle et lâcher-prise

 

 

La
tenue du pinceau

La
manière de tenir le pinceau a une incidence déterminante
sur la matière picturale. En toute logique, elle s’adaptera
à l’intention du peintre, au résultat qu’il souhaite
obtenir. Pour être précis, certains artistes auront
une approche gestuelle du sujet, visant à l’animer par des
traces énergiques de pinceau, tandis que d’autres pratiqueront
un art plus intimiste où la matière picturale prendra
moins d’importance au profit d’un travail plus en détails
et plus en finesse.

Il
est toujours surprenant de ne voir recommander par certains auteurs
qu’une seule manière de tenir le pinceau, sans doute l’unique
qu’ils connaissent et qu’ils utilisent. Si cette méthode
leur convient et s’ils en tirent d’excellents résultats, tant mieux pour eux, mais
ce n’est pas une raison suffisante pour en faire une panacée
et imaginer qu’elle s’adapte nécessairement à tous
les styles de peinture.

Si
la tenue du pinceau peut être appliquée d’une multitude
de manières différentes, mentionnons deux types de
méthode, à moduler selon les besoins requis par chaque
type de peinture.

1
– Dans un travail gestuel, il est judicieux de donner le plus de
liberté et de mobilité possible au mouvement du bras
et de la main. Pour cela il est assez logique de s’écarter
du support et de tenir le pinceau par le bout du manche, un peu
comme on le ferait avec un fleuret. Ce recul permet en outre de
bénéficier d’une vue globale et synthétique
du travail qu’on exécute. Figure 1.

2
– Dans une peinture plus détaillée ou dont le réalisme
sera plus poussé, on se rapprochera davantage, utilisant
éventuellement un appuie-main qui permet d’éviter
de trembler et surtout, de ne pas poser la paume sur des surfaces
qui ne seraient pas sèches. Figure 2.
Les peintres du trompe-l’oeil, de l’hyperréalisme ou du fantastique…
travaillent généralement de cette manière.

Ces
deux principes peuvent aussi être complémentaires,
surtout si une peinture doit finir par présenter des surfaces
petites et détaillées. Les premières étapes
seront parfois effectuées de manière gestuelle pour
mettre rapidement en place les grandes masses de la composition.
Au fur et à mesure de l’évolution vers plus de détails,
le pinceau deviendra de plus en plus étroit et le peintre
se rapprochera de plus en plus de la surface qu’il veut préciser.

Remarque:
un artiste qui travaille dans un petit format pourra même
poser son support à plat sur une table, éventuellement
au sol pour répondre à des intentions spécifiques,
mais la plupart du temps, il sera plus confortable, plus pratique
et plus efficace de le poser verticalement sur un chevalet, surtout
si le format dépasse une quarantaine de centimètres.
Par exemple, un travail réaliste exécuté à
plat, sur une table et dans un format de 80 x 100 cm, fera presqu’à
coup sûr apparaître des déformations dues à
la position du support qu’on verra en perspective. Ce sera un étirement
dans le sens “vertical”.

Pou peindre des petits formats, si on veut travailler “à plat”, il peut être utile de fabriquer un appuie-main horizontal avec trois petites planchettes collées ou vissées. Voir photo ci-dessous.

Si la hauteur du support dépasse quarante centimètres, il est préférable de le poser sur un chevalet vertical ou approximativement vertical, afin d’éviter les déformations dues à la vue en perspective.

 

Glacis, empâtements, frottis>

 



© "Le manuel du peintre" dans le Louvre de Michel Barthélemy