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Les matières picturales

Les
matières picturales

 

 

Avec
la forme et la couleur, les matières picturales constituent
les composantes fondamentales du style personnel.

Il est important de distinguer ici matières picturales
et matières représentées. Pour prendre
l’exemple des peintres du trompe-l’oeil, il leur est tout
à fait possible de donner l’illusion parfaite d’une
matière de bois sans recourir à aucune matière
picturale. La surface peinte reste lisse et non texturée.

Exemple
ci-contre avec une oeuvre de Michaël Lassel (D). Les
peintres du trompe-l’oeil disposent en général
d’une maîtrise technique pleine de virtuosité,
ceci afin de créer une confusion entre les objets
et leur image. Pour “tromper l’oeil”, ils évitent
tout ce qui pourrait distraire de l’objet représenté
et rappeler qu’il s’agit d’une peinture: très peu
ou pas du tout de grain de toile, pas de trace du pinceau,
pas de relief, etc.
La toile est à grain ultra fin ou elle est enduite
de plusieurs couches de gesso pour effacer le grain ou encore,
le tableau est peint sur un panneau de bois. Les éventuelles
traces de pinceau soit estompées avec un “blaireau”,
pinceau en éventail tel qu’on en aperçoit
en travers du tableau ci-contre.

Qu’est-ce
que la matière picturale?
On peut en distinguer deux types, les matières lisses
et les matières pâteuses.

1
Matières picturales lisses.
Comme la dénomination le laisse supposer, ces matières
ne présentent pas ou peu de relief, leur texture
viendra plutôt de traces ou d’empreintes laissées
par différents accessoires dans une couleur relativement
fluide. Elles dépendront du médium utilisé
pour les diluer, du geste, de l’accessoire pour étaler
la couleur et du support sur lequel on travaille.

Certains
médiums conviennent mieux que d’autres pour réaliser
des matières picturales lisses, simplement parce
qu’ils conservent mieux les traces laissées par le
pinceau ou l’accessoire avec lequel on étale la couleur.
Exemples les médiums gélatineux, souvent synthétiques,
tels le liquin original et le médium alkyde,
mais un
médium gras qu’on aura légèrement laissé
sécher peut aussi donner de très bons résultats,
tout dépend du type de texture qu’on désire
réaliser.

On
peut réaliser de telles matières simplement
avec un pinceau, de préférence assez usagé,
avec les poils un peu rebelles; la photo ci-contre montre
avec quel pinceau coiffé à l’iroquois je réalise
parfois des effets de feuillage ou de rochers.
Plutôt
qu’un geste continu, on travaillera par saccades ou girations,
en couchant le pinceau sur le support, en l’écrasant
ou en poussant la couleur vers l’avant plutôt qu’en
la tirant vers l’arrière. Eviter l’effet kitsch du
“tapotage systématique à l’éponge”,
laisser le procédé aux enfants de l’école
maternelle…
On peut aussi les réaliser de multiples autres manières,
par exemple par empreintes dans la couleur fraîche:
cellophane alimentaire posé puis froissé sur
la couleur, tissu ou papier absorbant chiffonné ou
torsadé et roulé (sans glisser!), aluminium
alimentaire lisse et posé à plat sur la surface
colorée puis ôté prudemment, bruine
ou coulées d’essence de térébenthine
dans une couleur relativement huileuse, empreinte d’objets
relativement plats enduits de couleur puis écrasés
sur le support, etc.
On peut également intervenir lorsque la surface colorée
est sèche, par exemple en passant un papier de verre
qui donnera du “grain” à la couleur.

Voir ci-dessous quatre exemples illustrant quelques-unes
de ces multiples ressources.

Toutes
ces matières pourront servir de fond et être librement
interprétées selon le sujet du tableau. La plupart
sont également réalisables à l’acrylique.
Voir ci-dessous à gauche avec quelle maîtrise Carole
Dekeijser a exploité quelques-uns de ces procédés.
Détail d’une oeuvre abstraite, “la réalité
n’a pas qu’une porte”. A droite, un détail de mon
tableau “le rendez-vous”; il indique comment les matières
aléatoires réalisées avec un film de cellophane
alimentaire m’ont permis de dégager des formes de rochers
et d’herbes moussues. Pour voir ce tableau, CLIQUER
ICI
.

 


Quelques
exemples de matières lisses obtenues selon différents procédés.


Exemple
1

Exemple
2

Exemple
3

Exemple
4

Exemple
1 – Les matières ont été réalisées
grâce à une feuille de cellophane alimentaire déposée
sur la couleur fraîche et ensuite plissée selon différents
mouvements et serrages.

Exemple 2 – La couleur a été diluée dans
du médium alkyde et étalée à la brosse
en suivant divers mouvements
.
Exemple 3 – La couleur a été diluée dans
un peu de médium gel. Ensuite la surface du support (panneau
de bois) a été grattée avec différents
couteaux à peindre.

Exemple
4 – Le support est une feuille de papier aluminium collée
sur du bois. Une première couche de couleur a été
diluée dans un médium huileux, ensuite une fine
bruine d’essence de térébenthine a été
projetée sur cette surface déposée à
plat.

 

REMARQUE IMPORTANTE: pour
réaliser des textures lisses, il est préférable
de travailler sur des fonds relativement lisses eux aussi, simplement
pour que la matière de la texture ne soit pas dominée
par celle du support
.

2
– Les matières picturales pâteuses.
Ces matières sont réalisées en travaillant
la pâte colorée en couches épaisses. Leur
texture dépendra du travail de la pâte elle-même,
de l’accessoire utilisé pour peindre, de l’addition éventuelle
de différents matériaux à la couleur ou de
l’étalement préalable de textures sur le support.

La
pâte huileuse a en soi une consistance assez épaisse
si on ne la dilue pas dans un médium, il est donc possible
de la travailler en couches généreuses ce qui permet
d’obtenir des surfaces peintes présentant des reliefs.
Si on souhaite donner plus de solidité encore à
cette pâte, on peut éliminer une partie du liant
liquide qui la constitue en la laissant reposer sur un support
poreux. L’huile sera absorbée au profit de la matière
pigmentée qui en deviendra plus solide.
Il est possible également d’ajouter du pigment poudreux
à la pâte. Celle-ci s’en trouvera non seulement plus
colorée, mais aussi plus épaisse et plus couvrante.

L’accessoire
pour étaler la pâte déterminera l’apparence
de la texture. Cet accessoire peut être un pinceau ou une
brosse, mais aussi un couteau à peindre ou tout autre outil
prévu ou non pour peindre à l’huile. L’illustration
ci-dessous montre bien la différence entre une surface
épaisse peinte au couteau et une autre peinte à
la brosse en soie de porc. Le sens du geste et son amplitude détermineront
également le résultat final.

À
gauche, la matière a été réalisée
avec une peinture non diluée appliquée
à la brosse, à droite, l’accessoire
était un couteau à peindre.

Pour
texturer une surface, il est également possible d’ajouter
une charge de matière à la pâte colorée.
Cette matière peut être fine ou épaisse, régulière
ou irrégulière, ajoutée en petite ou en grande
quantité. Exemples:


le sable, de carrière ou de rivière, brut, avec
des grenailles irrégulières ou tamisé au
chinois. Le sable blanc colore évidemment moins que le
sable jaune. La proportion est à évaluer selon le
résultat désiré. Il est arrivé à
Rembrandt de charger ses couleurs avec du sable jaune.


la poudre de marbre, de granit… achetée chez un fournisseur
spécialisé ou mille fois moins cher chez un marbrier.


la sciure. Eviter de préférence celle des résineux
qui contient de la résine et celle du chêne qui contient
du tanin, produits qui risquent de provoquer des réactions
chimiques avec les liants et les médiums.

Il
est possible également de texturer la surface du support,
de lui conférer différentes matières et de
peindre sans rien ajouter à la couleur. Les trois exemples
ci-dessous nous montrent des fonds préparés avec
du stuc (modeling paste) et du gesso. (Voir ces termes dans la
partie “techniques, manipulations”. A venir).

Ci-dessus,
le fond a été recouvert de modeling paste étalé
à la brosse en soie de porc.
Le
fond ci-dessus a été réalisé
au couteau à peindre.
Ce
troisième fond a été peint avec du gesso
mélangé à du sable de rivière
tamisé.


Il est possible de peindre sur de telles surfaces avec une
couleur fluide ou épaisse. Je préfère
personnellement travailler avec des couleurs non diluées
et sombres. Je les étale généreusement
sur la surface à peindre et ensuite j’essuie délicatement
avec un chiffon doux, parfois même avec le bout du
doigt, ce qui a pour effet d’éclaircir les “crêtes”
des reliefs et donc d’accentuer le contraste avec la couleur
des “vallées” qui reste intacte. Les trois
exemples ci-dessus montrent différents procédés
pour texturer une surface avant d’y ajouter de la couleur.

A gauche, des feuilles séchées ont été
collées sur le support avec de la colle blanche (compactuna),
ensuite les feuilles ont été enduites de deux
couches de gesso. Enfin, de la terre verte a été
étalée sur toute la surface et plus ou moins
essuyée avec un chiffon.

Au
centre, la surface du support a été texturée
avec du gesso mélangé à du sable de
rivière et étalé à la brosse.
Du brun Van Dyck non dilué a été ajouté
puis “caressé” selon la méthode
indiquée plus haut.

A
droite, des feuilles de papier pelure ont été
chiffonnées puis étalées avant d’être
collées sur un support.La surface a été
enduite de deux couches de gesso. De la terre d’ombre a
été peinte sur toute la surface et ensuite
essuyée doucement avec un chiffon.

 

NOTES:


– Il est évident que ces fonds doivent être secs
avant de recevoir la couche de peinture proprement dite.


L’utilisation de telles matières risque parfois d’entraîner
le peintre amateur dans des effets du “kitsch” le plus
pur… La butte de Montmartre et la plupart des cités balnéaires
et villes touristiques regorgent de tableaux où le pittoresque
et l’effet facile sont pris parfois pour de l’art par le touriste
lambda. Ces effets de matières
seront donc à utiliser non pas “pour faire joli”,
mais pour servir la volonté d’expression du peintre, avec
mesure et intelligence…
Le défaut le plus médiocre consiste à multiplier
les matières dans le même tableau pour “imiter”
(?) les diverses matières du sujet. Comme à l’école
maternelle…

 

La composition >

 

 



© "Le manuel du peintre" dans le Louvre de Michel Barthélemy