Tours de main, procédés, trucs et astuces.
Cette
rubrique se propose de présenter différentes techniques
de manipulation et diverses astuces directement liées à
la pratique et au style.
1
– Estomper?
On estompe dès qu’on atténue un contact entre deux
valeurs ou deux couleurs voisines, précédé
qui a pour effet de donner de la douceur au passage de l’une vers
l’autre. Le contraire consiste à les juxtaposer en laissant
une frontière franche entre elles. Aucune de ces deux formules
n’est supérieure à l’autre, estomper ou non dépend
du style de peinture et des intentions de l’artiste, n’en déplaise
aux fondamentalistes qui dénigrent le procédé
parce qu’il ne serait plus “contemporain”. Il est exact
que de nombreux artistes d’autrefois l’ont appliqué, mais
pourquoi ne pourrait-on plus le faire aujourd’hui? Qui peut décider
de ce qu’il “faut” faire ou ne pas faire et de “comment”
le faire ??? Au nom de quelle révélation ?

Dans ce détail
d’un tableau de Kirchner, nous constatons que le peintre
a juxtaposé ses couleurs en laissant une séparation
nette entre chaque zone différente. |
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Dans ce détail
du “Saint Antoine” de Miguel Garcia Dias,
les séparations entre les ombres et les lumières
ont été estompées afin que les
passages se fassent en douceur. Les zones de transition
sont parfois rapides, parfois plus étalées
et ceci permet de restituer toutes les nuances qui
existent dans une anatomie. |
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Notons
que deux couleurs voisines peuvent légèrement se
fondre l’une dans l’autre sans qu’il soit nécessaire de
revenir les estomper, c’est la superposition de deux coups de
pinceau ou un travail par hachures qui le permettra.
Un
travail d’estompe traditionnel se fait en principe avec un pinceau
souple, propre, sec ou presque sec. Il est en effet très
important qu’il reste propre tout au long de la manipulation,
sinon du pigment sera transporté d’une zone dans l’autre,
ce qui créera une transition imprécise et assez
chaotique. Il sera donc nécessaire de nettoyer régulièrement
le pinceau, presque après chaque coup donné.
Tous les pinceaux souples peuvent être utilisés,
qu’il soient en poil naturels ou synthétiques. Ne pas le
choisir trop fin. Selon les cas, un numéro 5 ou un 6 peuvent
fort bien convenir pour une toile de grandeur moyenne. Pour les
petits formats il est évidemment possible d’utiliser des
pinceaux plus fins, l’inverse pour de grands formats.
N’oublions pas le pinceau en éventail, autrefois en poils
de blaireau, d’où l’expression “blaireauter”
la couleur. Personnellement je ne l’utilise pas, les pinceaux
traditionnels donnent selon moi d’aussi bons résultats.
Pour
bien estomper, il ne faut pas que le pinceau s’écarte trop
de la zone à atténuer, ce qui créerait un
effet de badigeonnage mou et inélégant. On trouve
beaucoup ce défaut dans des ciels nuaguex peints par des
débutants.
On estompe en principe en glissant le pinceau sec le long des
deux bords à atténuer et parallèlement à
leur frontière, mais il est pssible également de
procéder par hachures perpendiculaires ou oblique par rapport
à cette séparation, ce qui créera une zone
de flou plus large. Si des traces restent apparentes, il est encore
possible de reprendre l’ensemble dans le sens parallèle.
POUR
RÉSUMER:
Figure
1 – Deux couleurs semi pâteuses ont été
juxtaposées
Figure 2 – Avec un brosse propre et sèche,
des coups de pinceaux obliques ont été
donnés dans une zone étroite entre les
deux couleurs.
Figure 3 – Des coups de pinceaux verticaux ont égalisé
les traces de hachures obliques.
Figure 4 – La moitié supérieure nous
montre le résultat obtenu par cette méthode
tandis que la moitié inférieure a été
réalisée par un brossage vertical seul.
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Fig. 1
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Fig. 2
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Fig. 3
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Fig. 4
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Tenons
compte également des caractéristiques suivantes:
Il
est plus facile d’estomper une couleur semi pâteuse, voire
un peu épaisse qu’une couleur fort diluée.
Il
est plus facile d’estomper deux couleurs de valeurs proches que
contrastées.
Un
dégradé rapide peut être réalisé
avec deux couleurs; si les surfaces de transition sont plus étendues,
il est préférable de le faire avec trois, quatre…
tonalités différentes.
Lorsqu’on
vient de peindre sur un fond déjà sec, il est possible
d’estomper cette couleur fraîche pour la dégrader
vers la sous-couche, généralement en frottant avec
le pinceau sec ou demi-sec et en accomplissant de petits cercles.
Si
on désire estomper deux couleurs voisines à moitié
sèches, il est souvent nécessaire de le faire avec
un pinceau légèrement imbibé de médium.
Dans certains cas, si la zone de transition ne doit pas être
trop précise, il est possible également d’estomper
avec un chiffon ou avec les doigts. Certains artistes étalissent
leurs fonds selon cette méthode.
Note
importante:
Globalement, un objet en volume présente trois zones de
valeurs différentes, une exposée à la lumière,
une située dans l’ombre, et une zone de transition entre
les deux précédentes. La couleur de l’objet la plus
saturée (vive) se trouvera dans la zone de transition.
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2
– Vérifier la structure d’une composition ou d’un détail
par l’effet miroir.
Regarder
son travail dans un miroir est très utile pour vérifier
la justesse du dessin, que ce soit une composition globale ou un
détail, surtout s’il est sensé présenter une
figure relativement symétrique, par exemple, un vase, une
bouteille, un véhicule, un visage, un corps humain ou animal…
Notre sens de lecture se fait de gauche à droite, la composition
et la lecture de notre dessin également, même si nous
sommes gauchers. Si nous y avons inconsciemment glissé une
erreur, il nous sera difficile de la repérer à cause
de ce balayage visuel automatique enregistré dans la structure
de notre cerveau. Inverser spontanément ce sens de lecture
n’est pas simple pour la plupart d’entre nous. L’astuce consistera
à nous y aider en retournant le dessin et en le regardant
par transparence devant une fenêtre ou dans un miroir placé
face à lui. On peut évidemment se servir aussi d’un
appareil photo ou d’un scanner et inverser symétriquemant
l’image par ordinateur.

Fig. 5
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Fig. 6
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Dans
l’exemple ci-dessus, le dessin de la figure 5 est l’original.
Dans la figure 6 je l’ai fait pivoter symétriquement
de 180° autour d’un axe vertical. Une distorsion de la partie
gauche se révèle nettement alors qu’elle pourrait
passer inaperçue dans le dessin original. |
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3
– Restituer l’espace.
Qu’est-ce
que l’espace dans un tableau? Précisons d’emblée qu’il
peut être à deux ou à trois dimensions. Les
deux exemples ci-dessous illustrent ces deux cas de figure.
Il sera à deux dimensions si, comme le recommandait Maurice
Denis, l’artiste a comme préoccupation essentielle de répartir
ses masses sur la SURFACE PLANE du support sans intention de donner
l’illusion de la troisième dimension, c’est-à-dire
de la profondeur. C’est par exemple le cas de la peinture égyptienne,
grecque, de l’enluminure, de l’icône… mais aussi de nombreuses
oeuvres contemporaines.

Espace
à deux dimensions dans cette peinture d’Edouard
Vuillard. Toutes les masses sont “écrasées”,
traitées par aplats. Pas de place ici pour le
modelé ou les dégradés. Si le mur
du fond semble plus éloigné, c’est uniquement
parce que nous savons par expérience qu’il doit
nécessairement se trouver derrière les
personnages. |
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Dans
ce tableau, Canaletto a “troué” la
toile pour donner l’illusion de la profondeur. Il a
utilisé pour cela tout un ensemble de procédés
associant la ligne et la couleur. |
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Toutefois,
même si la toile est recouverte d’aplats de couleurs
juxtaposés, sans dégradés, sans
modulations, on peut considérer qu’une ébauche
de troisième dimension sera suggérée
par la couleur elle-même puisque chacune dégage
une impression d’espace différente. C’est ainsi
que les couleurs chaudes comme l’orangé ou le
vermillon donnent l’impression d’avancer vers l’oeil
du spectateur tandis que les couleurs froides comme
le bleu tendent à s’en éloigner. Elles
sembleront de plus en plus lointaines au fur et à
mesure qu’elles s’éclairciront. L’effet serait
dû au fait que notre rétine est formée
de différentes couches de cellules superposées
et que chaque couche est sensible à une couleur
différente. Un artiste comme Vasarely, à
partir des années 60, a beaucoup utilisé
cette propriété pour composer ces abstractions
qui donnent une étrange impression de relief.
C’était l’époque de l’op’art (optical
art). Voir exemple ci-contre.
Mentionnons
pour l’anecdote l’approche particulière de Fontana,
qui ne donne plus l’illusion de l’espace sur la toile,
mais transforme celle-ci en espace en la lacérant
d’un ou de plusieurs coups de cutter… Ce qui incurve
la toile vers l’intérieur. Bien lui en prit car
ses outrages faits au support se vendent aujourd’hui
aux environs de 600.000 €.
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Au-delà
de ces modes particuliers, nous savons que la restitution
de l’espace porte le nom de perspective. Il existe
globalement deux types de perspective, la perspective linéaire
et la perspective aérienne. Comme ces dénominations
l’indiquent, le premier mode consiste à restituer l’espace
par des lignes, le second par des modulations de la “couleur
de l’air” ou de l’atmosphère.
A
– La prespective linéaire. Elle est bien connue
de beaucoup de dessinateurs débutants qui la considèrent
souvent comme une étape difficile dans le rendu de
l’espace, or la compréhension de quelques principes
de base suffit à maîtriser la plupart des situations.
Je ne développerai pas ces principes dans ces pages
du fait qu’ils sont fort bien détaillés ailleurs
dans de nombreux ouvrages.
Je rappellerai seulement que la perspective linéaire
est une illusion optique qui fait que les objets semblent
devenir de plus en plus petits au fur et à mesure qu’ils
s’éloignent de notre oeil. En dessin, la perspective
a été codifiée à partir de la
Renaissance. Les lois de la perspective sont une simplification
mentale de ce que l’oeil perçoit réellement.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, il faut savoir que les
lignes doites sont perçues par notre oeil comme étant
des courbes (voir démonstration ci-dessous), c’est
notre cerveau avec l’expérience qu’il a de la llgne
droite, ajouté à l’étroitesse de la netteté
de notre champ visuel qui fait que nous imaginons percevoir
des droites.
TEST
Faites
ce petit test. Tournez vos yeux droit devant vous.
Écartez les bras à l’horizontale
en les alignant bien tendus dans le plan de votre
torse. Question: sans bouger les yeux, parvenez-vous
à voir vos deux mains? Rapprochez doucement
vos deux mains vers l’avant, vous commencez à
les apercevoir, mais elles restent dans le flou.
Continuez à les rapprocher. Elles deviennent
de moins en moins floues. Remarquez qu’elles deviennent
parfaitement nettes seulement quand elles se trouvent
juste face à vos yeux, ce qui signifie
que la zone de netteté dans votre champ
visuel est extrêmemnt étroite, à
peine quelques degrés d’angle et donc que
nous ne voyons jamais que des morceaux successifs
de ce qui se trouve davant nous. Nous nous faisons
une représentation globale d’un objet,
d’un paysage, d’un intérieur, etc. grâce
à un mouvement oculaire de balayage. Le
cerveau additionne chaque aspect perçu
successivement.
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DES DROITES QUI SONT COURBES
Considérons
maintenant cette question de la perception liée
à la perspective et supposons que tel le
maçon, vous vous retrouviez au pied du mur,
un mur long de plusieurs centaines de mètres
érigé dans un paysage plat. Vous regardez
droit devant vous, ce que vous percevrez ressemblera
à ce que vous pouvez voir ci-dessous. |

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Si
votre regard se porte vers la gauche, vous verrez
le mur s’éloigner et sa hauteur devenir
de plus en plus petite jusqu’à se confondre
en un point situé à gauche sur la
ligne d’horizon. |

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Si
de la même manière votre regard tourne
vers la droite, le même mur s’éloignera
et vous verrez sa taille diminuer jusqu’à
se confondre avec un autre point situé
à droite. |

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A
supposer que vous puissiez avoir une perception
panoramique qui embrasse la totalité de
ce mur et qui associe par conséquent les
deux schémas ci-dessus, voici donc en toute
logique ce que vous devriez percevoir … Or,
nous savons que cela est faux sauf si le mur n’était
pas continu mais qu’il y avait en fait deux murs
formant un angle à leur rencontre. |

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Le
schéma ci-dessous montre ce qui se passe
en fait dans notre perception. Le dessus et le
dessous du mur ne peuvent pas être cassés
devant nous puisque, nous le savons, ces lignes
sont des droites continues. Voici donc en toute logique ce
que notre oeil perçoit, mais que notre
cerveau n’enregistre pas simplement parce que
la zone de netteté dans notre champ visuel
ne décode pas la totalité de ce
long mur, mais seulement une partie étroite
qui se situe dans l’axe de notre regard.
Ce phénomène est dû à l’exiguïté de la zone de netteté dans notre champ visuel. Faites-en l’expérience, fixez un point devant vous et sans bouger les yeux, prenez conscience des objets qui s’écartent de ce point central. Vous constaterez que les objets deviennent de plus en plus flous au fur et à mesure qu’ils d’écartent de la zone centrale.
Ce phénomène est dû au fait que dans notre rétine, l’aire du milieu (la focéa) contient plus de cellules (les cônes) et que celles-ci sont chacune reliée à des fibres optiques tandis que les zones périphétiques sont moins desservies en fibres optiques et moins riches en cônes.
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Fermons la parenthèse.
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La
perspective linéaire simplifie ce que l’oeil VOIT réellement
pour satisfaire ce que le cerveau CONNAÎT de l’objet.
Elle se base sur tout un système de constructions appelées
ligne d’horizon (ligne bleue dans le dessin ci-dessous), fuyantes
(flèches vertes), points de fuite (points rouges),
etc. Il s’agit dans ce croquis d’un exercice traditionnel
autour de la notion de route qui monte ou qui descend. Les
tronçons de route qui montent sont construits sur des
points de fuite situés au-dessus de la ligne d’horizon,
les tronçons qui descendent sur des points de fuite
situés au-dessous. Les horizontales réelles
(chenal, faîte du toit, fenêtres, dessus des portes,
etc. sont toujours construites sur le point de fuite situé
sur la ligne d’horizon.
Pour rappel d’un principe de base fondamental, la ligne d’horizon
correspond toujours à la hauteur des yeux du spectateur.
Reste à savoir où se trouvent ses pieds pour
proportionner tous les éléments de la composition
en fonction de ce fait essentiel.

Dans
de nombreux styles de dessin ou de peinture, il n’est pas
nécessaire de connaître les lois de la perspective
linéaire, mais si on se livre à une peinture
à caractère réaliste, il est nécessaire
de la maîtriser. Sans cela, la moindre erreur sautera
aux yeux du spectateur un peu averti.
Le tableau de Canaletto (voir plus haut) est une magistrale application
des principes qui régissent les effets dus à
la perspective linéaire, mais pas seulement car ici,
l’artiste utilise aussi les principes de la perspective aérienne.
B
– La perspective aérienne.
Comme indiqué ci-dessus, la perspective aérienne
concerne la sensation d’espace due aux incidences de l’atmosphère
sur l’éloignement des objets.
La
photo ci-dessous prise du haut de la colline de Brancion en
Bourgogne nous fera comprendre quelques-unes de ces modifications
que produit l’éloignement sur les couleurs des différents
plans. Observons ce document.
Si
nous sommes attentifs aux variations que subissent les couleurs
depuis l’avant jusqu’à l’arrière-plan, nous
pouvons constater ceci:
– les verts et en général tous les tons sont
plus chauds à l’avant-plan et deviennent de plus en
plus froids au fur et à mesure que les composantes
du paysage s’éloignent, au point de virer au bleu dans
les lointains.
– les couleurs sont plus saturées dans les avant-plans,
avec l’éloignement, elles ont tendance à se
grisailler.
– les valeurs sont beaucoup plus contrastées dans l’avant-plan
que dans les plans plus éloignés. Elles finissent
par s’uniformiser dans les lointains.
– les valeurs sombres sont nettement plus sombres dans l’avant-plan
que dans les plans plus éloignés. Elles tendent
à se rapprocher de la couleur du ciel dans les lointains.
– les détails sont de moins en moins perceptibles au
fur et à mesure qu’ils s’éloignent, ils laissent
la place à la structure globale des objets, par exemple
dans une rangée d’arbres, on ne distingue plus chaque
arbre individuellement et encore moins chaque feuille, dans
un village on ne perçoit pas chaque maison individuellement,
mais un ensemble de volumes structurés par quelques
lumières et quelques ombres…
Les
deux exemples ci-dessous nous montrent comment deux artistes
d’époques et de styles différents ont appliqué
ces caractéristiques de la perception. A gauche Pieter
Breughel, à droite Claude Monet.
Nous
avons vu qu’avec l’éloignement, les couleurs
des objets ont tendance à se rapprocher de
la couleur du ciel, éventuellement à
se confondre avec elle, ce qui signifie que si le
ciel revêt des coloris autres que le traditionnel
bleu, les lointains se trouveront progressivement
absorbés par cette direction tonale. Par
exemple, un ciel saisi au moment où le soleil
se couche se colorera de nuances chaudes à
tendance orangée ou jaune. Les couleurs de
l’ensemble du paysage seront influencées
par celle de la source lumineuse, c’est-à-dire
du soleil. Le tableau ci-dessous en donne une magistrale
illustration. Il s’agit d’une oeuvre d’Albert Bierstadt,
un peintre germano-américain du début
du XIXe siècle. Nous pouvons voir comment
l’artiste est parvenu à restituer cette impression
de profondeur, traitant certaines parties des avant-plans
avec une couleur presque noire pour aller en dégradés
progressifs presque jusqu’au blanc dans les arrière-plans. |

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C
– Rythmer l’espace
Que
ce soit dans une vue d’intérieur ou dans
un paysage, la progression du regard à
partir des avant-plans jusqu’à l’horizon
se fait par des pauses sur les plans intermédiaires.
Pour mettre en évidence cette progression
dans l’espace et lui donner de l’ampleur, beaucoup
de peintres mettent l’accent sur ces différents
plans en les contrastant plus ou moins par des
couleurs et des valeurs variées. C’est
ainsi que dans de nombreux paysages depuis le
xve siècle, on retrouve ce procédé.
Ici l’alternance entre la lumière et
l’ombre jouera souvent un rôle déterminant.
certains plans seront éclairés
par une lumière directe, ils seront plus
clairs, plus chauds, plus saturés, d’autres
seront dans l’ombre ou la pénombre, plus
foncés, plus froids, plus gris… Ces
alternances constituent des reprères
qui aident le regard à s’arrêter
à un plan avant de passer au suivant,
ce qui accentue l’impression de profondeur.
Le
tableau ci-desous, la vue de Delft de Vermeer,
le plus beau tableau du monde selon
Marcel Proust, offre un bel exemple d’application
de ce principe.
Au sol, l’avant-plan (sable et eau) est clair,
mais déjà avec les quelques petites
taches noires des personnages et de la barque
qui séparent cette masse en deux; le
second plan constitué des premiers bâtiments
est sombre, le nuage du dessus y projette son
ombre. A l’arrière des toits apparaissent,
éclairés par une trouée
entre deux nuages.
Le sol et le ciel offrent des repères
qui rythment progressivement la progression
dans l’espace et donnent une impression de vaste
étendue, monumentalité accentuée
par la taille réduite des personnages
à l’avant plan et qui servent d’échelle
de comparaison.
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4
– Peindre en ôtant de la couleur.
Ce
procédé consiste à inverser la
démarche habituelle, plutôt que de construire
ses formes en ajoutant de la couleur, on les fait apparaître
en en retirant. Pour cela, la couleur de fond doit encore
être fraîche ou à moitié humide.
Le procédé est connu des aquarellistes
qui passent un pinceau sec ou un coton tige dans la
couleur fluide afin de retrouver le blanc du papier.
Le procédé sera sans doute plus simple
à appliquer à la peinture à l’huile
du fait de la lenteur du séchage.
Pour réaliser ce travail, il est possible d’utiliser
un pinceau sec ou trempé dans un diluant, par
exemple de l’essence de térébenthine.
Si le pinceau est sec, il éponge” la couleur,
s’il est imbibé de diluant, il créera
des effets de matière dépendant de la
quantité et des propriétés du diluant.
L’exemple
ci-dessous a été réalisé
selon la méthode suivante:
1 – Couche de fond peinte sur panneau de MDF traité
au gesso avec un mélange de noir de vigne et
de jaune de cadmium dilué dans du “liquin
original”, un médium qui permet d’obtenir
cette texture due aux traces des coups de pinceau. N’importe
quel autre médium peut être utilisé,
mais on obtiendra évidemment des matières
et des effets différents, d’autant plus si le
mélange est plus épais et la couleur peu
diluée.
2 – L’arbre
a été dessiné en épongeant
la couleur avec un pinceau sec ou légèrement
imbibé d’essence de térébenthine.
Les traces les plus fines sont réalisées
avec l’embout en bois du pinceau.
Notes:
–
Il peut être utile d’attendre quelques instants
que la couleur commence à légèrement
sécher si on veut créer des matières
et des contours nets. Si la couleur est humide les traces
auront tendance à s’estomper dans la surface
liquide. Tout dépend de ce l’on recherche comme
résultat. A expérimenter.
–
Ce procédé peut être une étape
du travail ou en constituer la totalité. S’il
est une étape, il servira à suggérer
des idées de matières et de formes qu’un
travail plus contrôlé ne permet pas. On
pourra alors nuancer certaines couleurs, encore humides
ou déjà sèches, par empâtements
ou par glacis.
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5
– Cligner des yeux pour synthétiser, pour percevoir
la structure.
Que
l’on soit peintre ou visiteur (“regardeur”
comme on néologe actuellement pour donner l’impression
d’être à la pointe de l’évolution),
le réflexe qui consite à cligner des yeux
( différent de clignoter! ), c’est-à-dire
à rapprocher les paupières, évidemment
sans les fermer, est un moyen efficace de supprimer
les détails pour ne retenir que l’essentiel,
à savoir la structure, la répartition
globale des masses claires et sombres, celles qui créent
le dynamisme et l’espace du tableau et lui confèrent
sa lisibilité.
A titre d’exemple et d’expérience, regardez le
tableau ci-dessous avec les yeux grand ouverts. Il s’agit
des “Ménines” de Picasso, la composition
pourrait sembler chaotique. Rapprochez doucement vos
paupières jusqu’à ne plus laisser qu’une
fente très fine entre elles. Remarquez comme
les détails disparaissent au fur et à
mesure que les paupières se rapprochent et comme
la structure se révèle. Les taches claires
sont réparties sur la gauche et s’inscrivent
dans une forme ovale, ce qui n’empêche pas quelques
autres taches claires de se trouver parmi les sombres
et réciproquement, mais globalement, les masses
sombres et les masses claires sont séparées
et regroupées dans les mêmes zones, ce
qui rend le tableau plus clairement lisible. Ceci montre
que Picasso qui aurait “détruit” l’art
du passé en a conservé quelques principes
fondamentaux dont il est impossible de se défaire
si l’oeuvre ambitionne de prétendre à
une dimension artistique.
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Le
tableau ci-dessous est de Salvador Dali. Regardez bien
les petits personnages situés dans la centrale.
Ensuite, regardez-les en clignant des yeux, un buste caché
apparaîtra à la place de deux personnages
féminins, le buste de Voltaire. Pourquoi est-il
plus facile de percevoir cette image cachée en
clignant des yeux qu’en les maintenant grand ouverts ?
Simplement parce que les détails disparaissant,
nous ne pouvons plus les identifier et donc les nommer
, il deviennent de simples taches d’ombres et de lumières
et ne servent plus de barrière à la perception
globale. |

Le
peintre utilise en principe ce procédé
pour vérifier la solidité et la lisibilité
de sa composition. Que l’amateur qui n’a pas encore
acquis ce réflexe se souvienne de sa grande utilité.
Dans
le même ordre de principe, insistons sur la nécessité
de prendre du recul vis-à-vis de la composition
sur laquelle on travaille. Des expériences ont
prouvé que pour avoir une perception globale
d’un document rectangulaire, il est nécessaire
de le regarder à une distance égale à
trois fois sa diagonale, ce qui signifie par exemple
que si on dessine sur un petit format A4, pour en avoir
une perception complète, il est nécessaire
de le regarder à 1,10 mètre de distance.
Lors de la visite d’un musée ou d’une galerie,
on prendra du recul par rapport à l’oeuvre exposée
pour en saisir la structure et l’espace, on s’en rapprochera
pour apprécier la matière picturale, la
facture ou le détail. Un tableau peut donc être
vu de près ET de loin, selon ce qu’on souhaite
en apprécier.
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6
– Tracer des traits fins et rectilignes.
Un
peintre qui aime la précision, qu’il soit figuratif
ou abstrait, a parfois besoin de tracer des traits
rectilignes d’épaisseur constante, d’une allure
parfaitement géométrique. Réaliser
ce travail avec un pinceau, même s’il est de
qualité, demande une maîtrise quasi impossible
à acquérir, même après
des années de pratique. La solution est pourtant
simple, elle est empruntée au dessin technique
ou d’architecture. On utilisera pour cela le traditionnel
tire-ligne. Voir deux modèles ci-dessous à
gauche. Le modèle de gauche est prévu
pour l’encre, celui de droite pour la gouache ou toute
couleur qui en aurait la consistance, mais celui de
gauche peut parfois convenir pour cette exécution.
Le tire-ligne est composé d’un bec de métal
dont l’écartement est règlable grâce
à une petite vis. La couleur se place dans
l’interstice formé par ce bec pointu. Le choisir
de qualité si on veut éviter les déceptions.
Procédé:
–
Préparer la couleur dans une coupelle en diluant
la pâte dans un médium moyennement gras.
Le défi ici est de trouver la bonne consistance
de matière pour que la couleur ne soit ni trop
épaisse ni trop liquide. Trop épaisse,
elle ne coulerait pas, trop liquide, elle coulerait
trop facilement et ferait de beaux pâtés
sur la toile.
– Le trait sera plus précis et plus régulier
sur une toile dont le grain est très serré
ou quasi inexistant, mais on peut aussi travailler
sur panneau préparé au gesso.
–
Une fois la couleur préparée, on la
prélève avec un pinceau fin et on vient
la placer dans le bec du tire-ligne. Plonger le tire-ligne
directement dans la couleur risquerait de charger
aussi l’extérieur du bec. Attention ici de
ne pas mettre trop de couleur, ce qui risquerait de
la faire s’écouler de manière incontrôlée.
– On placera une règle le long du trait à
tracer en veillant bien à tenir le bec légèrement
écarté de la règle.
Dans
le document ci-dessous à droite, on peut voir
deux traits jaunes qui viennent d’être tracés
selon ce procédé.
Si les traits sont trop nettement dessinés,
il est toujours possible de les estomper.
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7 – Tracer des bords droits.

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Tracer des bords droits et nets peut être nécessaire surtout pour peindre avec précision certains éléments d’architecture ou de tout autre objet, pour délimiter un horizon ou même dans certaines abstractions constructives. Le procédé est simple, il suffit d’utiliser un classique ruban à masquer fourni par tous les bons magasins de bricolage. Choisir pour cela un ruban lisse ou la qualité “bord précis”.
Si on doit le coller sur une surface déjà peinte, il faudra évidemment que celle-ci soit parfaitement sèche. Pour éviter que le ruban laisse une quelconque trace de colle, on pourra préalablement le rendre moins adhésif en le collant sur un panneau lisse (mélaminé, métal…) puis ensuite en le décollant. Il adhérera avec moins d’insistance. Tester.
Voir sur la photo ci-contre un tableau en cours d’exécution; deux bandes de ruban à masquer (en jaune) ont été collées à distance d’un centimètre l’une de l’autre, simplement pour peindre facilement et avec régularité une colonette étroite.
Le dallage du sol a été lui aussi traité de cette manière.
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Le dessin d’observation >
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